Méthodes et outils pour provoquer et accompagner le changement en entreprise
Interview de Vincent Rostaing : manager, entrepreneur, et facilitateur du changement
Nous avons travaillé avec Vincent Rostaing dans le cadre d’une Learning Expedition organisée pour un de nos clients. Fascinés par son histoire, ses méthodes et son intelligence émotionnelle, nous avons décidé d’interviewer Vincent afin qu’il nous partage son parcours professionnel et ses réflexions sur des sujets tels que le management, la gestion de crise, la résolution de conflit, et la conduite du changement.
1. Votre parcours est riche et varié, pouvez-vous nous raconter comment vous en êtes arrivé à fonder Le Cairn 4 IT et quelles ont été les étapes clés de votre parcours professionnel ?
J’ai eu deux vies professionnelles. La première en tant que salarié pendant 15 ans, où j’ai évolué comme manager « Bizdev », combinant le marketing et le développement commercial dans trois secteurs : la publicité chez JCDecaux, les télécommunications chez Completel, et le conseil en informatique chez Business & Decision.
Ensuite, ma seconde vie professionnelle a commencé en 2008, en tant qu’entrepreneur. J’ai démarré dans l’édition logicielle, puis le recrutement 3.0 basé sur les réseaux sociaux et le growth hacking. Depuis une douzaine d’années, je me concentre sur le conseil et la (trans)formation avec un leitmotiv : la performance collective et le « faire équipe », aussi bien dans le management des activités quotidiennes que dans les projets d’innovation et de créativité.
2. Vous avez accompagné de nombreuses entreprises à travers des périodes de transformation. Quels sont, selon vous, les leviers les plus efficaces pour conduire un changement en douceur dans une organisation ?
L’innovation managériale repose sur des outils structurés. Pour moi, la méthode ADKAR est par exemple un outil essentiel. Il s’agit d’un modèle de gestion du changement qui se compose de cinq étapes :
- Awareness : prendre conscience de la nécessité du changement
- Desire : désirer soutenir le changement
- Knowledge : acquérir les compétences nécessaires au changement (souvent par la formation)
- Ability : accompagner la mise en oeuvre de ces compétences (souvent via du mentorat, du coaching entre pairs, etc.)
- Reinforcement : analyser et renforcer pour maintenir le changement
Chaque étape est cruciale pour favoriser l’adhésion des équipes et garantir une transition réussie vers de nouvelles pratiques managériales.
3. Vous avez aussi sûrement observé des échecs dans la mise en œuvre de certains changements. Quels sont, selon vous, les principaux obstacles qui freinent la réussite d’une transformation organisationnelle, et comment les surmonter ?
Les principaux obstacles que j’ai rencontrés incluent, par ordre d’importance : le manque de partage du sens de la transformation, l’influence excessive de l’opinion de la personne la mieux payée (le fameux HIPPO – Highest Paid Person’s Opinion), et le désalignement entre la stratégie et l’exécution.
Pour surmonter ces défis, des outils comme les OKR (Objectives and Key Results) et l’Oshin Kanri peuvent être très efficaces. Les OKR permettent de définir des objectifs clairs et mesurables avec des résultats clés qui aident à suivre les progrès. L’Oshin Kanri, de son côté, est une approche japonaise de la gestion stratégique qui relie les objectifs de l’entreprise aux actions opérationnelles, concrètes, sur le terrain, assurant ainsi que tout le monde travaille en harmonie pour atteindre les objectifs stratégiques et ce à tous les niveaux de l’entreprise.
4. Dans vos expériences de gestion de crise, quelles ont été les plus grandes leçons que vous avez apprises ? Comment ces moments ont-ils influencé votre approche du management ?
C’est en période de crise que les managers se révèlent vraiment ! Leur capacité à maintenir le cap sans faire redescendre la pression sur les équipes est essentielle. C’est aussi dans ces moments que les talents se révèlent pleinement, alors que d’autres montrent leurs faiblesses… Une crise est un véritable test de la résilience et de l’esprit d’équipe, plus qu’une période de routine ne pourrait jamais l’être. Elle peut ainsi être catalysatrice d’innovation managériale, car elle peut révéler les faiblesses structurelles et inciter à adapter rapidement les stratégies de management.
5. La résolution de conflit est une compétence clé dans le management. Quels conseils donneriez-vous aux managers pour gérer des conflits interpersonnels ou des tensions au sein d’une équipe ?
Je recommande fortement d’adopter la méthode de communication non violente et de s’inspirer de la roue de Fiutak pour désamorcer les conflits. La roue permet de compléter différentes approches – telles que la négociation ou l’arbitrage – en apportant un support à la médiation. Je pense aussi que les managers doivent développer leur « radar managérial » qui leur permette de détecter les tensions avant qu’elles ne s’aggravent, ce qui permet d’agir préventivement et de désamorcer la situation avant que les tensions ne se transforment en véritables conflits.
6. Vous êtes souvent amené à travailler sur des problématiques liées à la transformation digitale et au futur du travail. Comment percevez-vous l’évolution des rôles des managers dans ce contexte ?
Les fondamentaux du management restent les mêmes, mais les managers doivent aujourd’hui être particulièrement attentifs à la valeur ajoutée humaine. Ils doivent constamment s’interroger sur la façon dont ils peuvent tirer le meilleur de leurs équipes dans un environnement où la technologie joue un rôle de plus en plus central. Le curseur doit être ajusté pour placer l’humain au cœur des préoccupations, afin de générer un réel engagement, surtout quand il s’agit de gagner l’adhésion des équipes dans le cadre d’une transformation numérique de l’entreprise.
7. En tant que facilitateur et formateur, quelles approches pédagogiques privilégiez-vous pour aider les dirigeants à développer leurs compétences managériales ?
Je suis un fervent partisan de la ludopédagogie, qui consiste à utiliser le jeu comme outil d’apprentissage, ainsi que de l’apprentissage entre pairs. Ces méthodes permettent aux apprenants d’apprendre de manière active et collaborative, en se nourrissant des expériences et des perspectives variées des autres.
8. Vous mettez en avant l’importance de la réflexion stratégique dans la conduite du changement. Pourriez-vous nous expliquer comment intégrer une telle réflexion au quotidien dans une entreprise ?
Je pourrais en dire beaucoup sur ce sujet, mais une citation de Francis Blanche résume bien ma pensée : « Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ». Il est crucial d’intégrer la réflexion stratégique en amont de chaque action pour s’assurer que le changement ait un réel impact et ne soit pas simplement un acte cosmétique.
9. Pouvez-vous partager une anecdote marquante où votre intervention a radicalement changé la dynamique d’une équipe ou d’une organisation ?
Je me souviens d’une petite PME de 14 personnes, où j’ai animé un atelier sur le parcours client dans le cadre d’un séminaire de fin d’année. Tout le personnel a été invité à réfléchir aux « irritants » et aux améliorations à apporter à l’expérience client. La comptable s’est rendu compte qu’harceler les clients quand ils ne paient pas à temps n’était pas une bonne solution, et le responsable de production a compris l’importance de terminer ses tâches le vendredi soir au lieu d’attendre le lundi. Six mois après, les enseignements de cet atelier étaient encore affichés dans la salle de pause et l’atelier encore « vivant » puisque les irritants continuaient à être remontés et les solutions à être proposées. Autrement dit, cette initiative a profondément transformé la culture de l’entreprise, illustrant l’impact durable qu’un atelier peut avoir sur une équipe, une entreprise.
10. Selon vous, quelles sont les qualités essentielles d’un bon leader aujourd’hui, en particulier dans un contexte où les crises et l’incertitude semblent devenir la norme ?
Un bon leader doit être a minima apprenant, curieux, agile. Il doit aussi bien se connaître lui-même et bien connaître ses collaborateurs. Ces qualités sont essentielles pour naviguer dans un monde incertain et constamment changeant et manager au mieux la performance de son équipe.
On vous recommande de jeter un coup d’oeil à la bibliothèque de Vincent !